Pourquoi un projet sur un sujet comme les cartes postales?
En fait, c’est un superbe défi que Bouquinart – Librairie et Galerie d’art, nous a lancé par son invitation de participer à son évènement annuel qui célèbre le jeu des mots et des images, cette fois-ci sous la forme de la carte postale. Un défi de création, d’exploration et de diffusion que nous embrassons à tour de bras. Ce projet va être amusant, et apportera plein de surprises et d’anecdotes qui pourront être partagées.
Il me sera intéressant et un peu curieux de renouer avec ce plaisir plus tactile d’apprivoiser des liens par d’autres moyens que l’espace numérique.
Je vois une analogie entre l’expérience de la carte postale à celle de la capture d’image sur pellicule. Le plaisir d’envoyer une carte postale, comme celle de prendre une image qui éventuellement est doublée par la réaction du destinataire en recevant la carte, à celle de la découverte de la planche contact. Deux instants distincts avec leur forme particulière de réjouissance.
Pourquoi une collaboration avec d'autres artistes?
Une collaboration artistique c'est un pacte, une alliance dans lesquels mes collègues et moi nous nous engageons. On fait cela pour se nourrir mutuellement à travers l’expérience.
À l’intérieur de cette cellule, de ce noyau, on partage des idées, des inspirations, des expérimentations. Le produit final appartient à tous et prend les couleurs de tout un chacun. Ce genre d'accord permet une synergie et encourage une saine émulation.
Pourquoi un projet participatif?
Impliquer des gens dans mes projets fait partie de ma démarche. À ce jour je le faisais lors de mes recherches, et aujourd’hui je pousse l’expérience à un autre niveau. J’invite mes destinataires à s'impliquer dans le rendu final du travail.
Chers destinataires, votre geste le plus simple serait de nous retourner la carte pour l’exposer chez Bouquinart toutefois, libre à votre imagination! Libre c’est-à-dire vous pourriez vous engager en nous aidant à documenter l’expérience - sourire, souvenir, pensée. En fait, on vous demande de nous surprendre. C’est ce qui constitue la beauté intrinsèque de ce projet participatif.
La carte postale, a-t-elle déjà joué dans le monde de l’art?
Pour mon plaisir et peut-être pour le vôtre, j’ai effectué une courte recherche sur le sujet. J’ai découvert quatre projets qui datent du début du XXe siècle à nos jours.
Je débute avec celle du gouvernement japonais qui permettait à ses citoyens d’expédier gratuitement des cartes postales aux soldats qui se battaient au front lors de la guerre russo-japonaise du début du XXe siècle. On parle ici de centaine et même quelquefois de milliers de cartes par jour.
Plusieurs entreprises produisaient ces cartes à l’effigie de modèles féminins que les soldats appréciaient et échangeaient souvent entre eux. Les cartes étaient fréquemment des photographies et quelquefois des illustrations comme à l’aquarelle.
Un autre cas est avec un artiste dont j’admire le travail, László Moholy-Nagy. Moholy-Nagy pendant la Première Guerre mondiale pratiquait son dessin au dos de carte postale pour passer son temps lors de ses quarts de garde dans les tranchées.
Plus tard, entre 1923 et 1928, Moholy-Nagy regroupe 20 membres d’une exposition du Bauhaus à Weimar pour produire des petites affiches publicitaires qui furent imprimées sur des cartes postales. Parmi ces artistes on reconnait les noms de Paul Klee, Herbert Bayer, Wassily Kandinsky et Farkas Molnar.
Ma troisième trouvaille est celle du travail de Stephen Shore, un artiste qui dans les années 70s a été un des pionniers de la photographie couleur. En fait, Shore était fasciné par les couleurs des cartes postales. Dans son projet Amarillo il a effectivement publié ses images en format carte postale pour les revendre dans des kiosques touristiques.
Finalement, à la fin d’avril 2021, la galerie Produit rien à Montréal, présentait le projet artistique - Unis par l'amour du goût qui exposent en vrac plus de 20 ans d'échanges épistolaires, une collaboration de Éric Simon, professeur en arts à Concordia et le photographe Pierre Gauvin. Cette exposition qui exploite l’envoi postal est enrichie par la complicité de l’artiste, Marie‑Claude Gendron qui analyse ce riche matériel pour en extraire des statistiques.