Dans ma conception du non-agir, le sage écrit, peint ou dessine et laisse partir au vent sa production, sans s’y attacher. Il s’agit un peu d’une rupture avec notre mode de fonctionnement capitaliste occidental axé sur la rentabilité et le profit.
La carte postale envoyée librement pour parcourir des kilomètres en étant à la fois objet d’art et de souvenir s’émancipe du carcan de la rapidité et de l’instantanéité propre à nos sociétés contemporaines. Le rituel de prendre un moment pour acheter une carte postale, la timbrée et l’envoyer par la poste entre en rupture avec l’hégémonie conquérante des médias sociaux. Il s’agit d’un geste simple, poétique et nostalgique sous certains aspects, que d’utiliser la poste pour publier ou évoquer…
Ainsi, en étant membre de ce quatuor d’artistes qui vont distribuer leurs œuvres via la poste, en format de cartes postales, je veux tenter de sensibiliser le public à la perte du sensible condamné sur l’échafaud élevé par les partisans du tout numérique absolu. La fin du papier et du carton, bien qu’étant écologique, nous fait perdre ce lien des sens avec la matière qui permet d’établir un rapport entre l’œuvre et son public. Même si l’on ne peut toucher les tableaux d’un musée, on peut en sentir la texture et comprendre intuitivement un peu de la technique de l’artiste exposé.
Il ne s’agit pas d’un refus du numérique, loin de là, l’ordinateur est un merveilleux outil de travail. Il s’agirait plutôt d’une remise en question de la place de l’art dans la société et de sa fulgurante démocratisation par l’avènement de Facebook, Instagram, Twitter, etc. Il s’agit aussi de renouer avec l’objet-matière.